Le POLARISCOPE est un évènement vitrine en 4 volets des DEC en Techniques de métiers d’art et en Arts du cirque conçu par le CFCMA en collaboration avec les écoles-ateliers et le Diamant de Québec.
Sa vocation est de mettre de l’avant, de façon accrocheuse, vivante et dynamique, les œuvres des diplômés aux DEC en Techniques de métiers d’art et en Arts du cirque dans un lieu fréquenté par un public amateur d’art.
La première édition sous le thème «
Fragmentations» s’est tenu du 11 au 15 octobre 2022.
Le projet POLARISCOPE – octobre 2022 – Films Fovéa
○ Présentation des artistes
Déroulez cette page pour en apprendre davantage sur les treize artisan.e.s retenu.e.s pour cette première mouture du Polariscope!
Découvrez leur parcours, leurs inspirations, leur démarche, pour encore mieux appréhender leur œuvre.
Bonne lecture!
Bruno Barr
○ Biographie
Percussionniste, rédacteur publicitaire, serveur, photographe, voyageur solitaire, amateur de bons cafés et chanteur très amateur. Je suis et j’ai été beaucoup de choses, sans jamais m’y dédier pleinement, à l’exception de la musique, ma plus grande passion. Lorsque j’ai dû abandonner l’idée d’en faire mon métier, j’ai cherché une flamme de remplacement, une autre
passion qui m’habiterait en mangeant et en dormant.
En 2017, j’ai décidé qu’à défaut de jouer des percussions professionnellement, je voulais au moins pouvoir en fabriquer pour rester près du milieu artistique, et me suis inscrit en métiers d’art pour apprendre le travail manuel, qui m’était complètement étranger.
J’espérais le contraire, mais m’attendais à ce que l’ébénisterie vienne et passe comme le reste de mes explorations. Me voici quatre ans plus tard, content d’avoir eu tort, transformé par le travail du bois, à vous écrire pour présenter le résultat de ma nouvelle obsession.
○ Démarche artistique
«
Gracile, avec du brute j’façonne du fragile […] Écrire, c’est faire passer le chaos dans le chas d’une aiguille. »
– Sébastien Ricard
Ces paroles, écrites dans un contexte tout autre, représentent incroyablement bien mon processus de création. Pendant des années, j’ai tenté en vain de contrôler mon trouble d’attention, de convaincre mon cerveau de porter la selle, d’endurer les étriers et le mors. En amorçant mon parcours artistique, j’ai appris, au contraire, à lâcher les brides.
Je dessine vite et lâchement, sans précision ni jugement, cent fois la même idée dans l’espoir que, grâce à l’une des variantes spontanées, me saute au visage la proportion ou la forme parfaite. J’ai des carnets entiers de mots esseulés, de formes, de couleurs, de titres d’œuvres inexistantes, de chansons préférées, de scènes de film, d’odeurs et de moments de déjà-vu. J’ai tendance associer des idées qui, aux yeux de beaucoup, n’ont rien à faire ensemble. Ce n’est pas très surprenant, donc, que je sois fasciné par les concepts d’opposition, de contradiction et de confusion. Mes d’œuvres sont marquées par la subversion des styles; j’aime cacher le moderne dans l’ancien, imposer le kitsch dans le sobre, créer une œuvre hybride dont on n’arrive pas à déterminer si la fonction ou la forme doit prendre le dessus.
On a passé tout mon parcours à me dire de choisir mes idées, de ne pas m’éparpiller. Ma réponse est de prouver que l’excès d’idées a sa place, que l’indécision sans compromis peut être belle et valide.
○ Intention artistique et recherche
vOLUME
vOLUME trouve son origine dans une anecdote amusante; celle d’un ami musicien qui utilisait un de ses tambour comme table de salon. Il aimait dire à la blague « qu’en fait, une percussion, c’est juste un meuble qui sonne bien ». L’idée m’est restée en tête tout mon cégep durant et comme ouvrage final, j’ai eu l’envie de créer l’inverse, un meuble qui soit aussi un instrument.
Au début de ma recherche, le projet était bien différent, moins inusité. L’œuvre ressemblait beaucoup plus à du mobilier moderne, ses éléments percussifs cachés à la manière de tiroirs secrets. Je gravitais autour du concept d’une table cylindrique ou conique faite de placages cintrés et dont le plateau aurait servi de surface de frappe, comme un cajon péruvien. Après près de soixante variations et sept modélisations 3D, le résultat était pourtant toujours décevant. Le meuble était intéressant en soi, mais ne capturait pas l’essence de l’idée originale. L’essence de mon ami et de sa déclaration humoristique, de son refus d’adhérer aux normes, de son
attachement irrationnel à utiliser sa « table » tout sauf pratique. La clé de la solution s’est révélée être le manque de compromis. Je n’avais qu’à créer une table aussi peu pratique comme instrument, que son instrument l’était comme table. Rendu là, j’ai laissé libre cours à mon esprit de contradiction et ai pris un malin plaisir à tout faire à l’envers.
Sous sa forme finale, vOLUME est une table basse sphérique faite de sapele et de satiné rubané, dont le centre vide sert de caisse de résonance aux trois petits tambours insérés dans le plateau. Les tambours dépassant du plateau, l’usage de l’œuvre comme table est presque plus difficile que le fameux tambour l’était. Trois pattes filiformes en acier et leurs larges pieds tournés viennent créer un contraste de volumes esthétiquement plaisant mais d’apparence peu sécuritaire. L’un aura l’impression que le meuble flotte sur ces pattes si fines alors que pour l’autre, il est à un souffle de s’effondrer sous le poids de la sphère. Cette ambivalence du public est honnêtement un résultat inattendu, mais qui cadre tellement bien avec l’idée originale de contradiction que je l’embrasse pleinement.
La sphère elle-même est entièrement assemblée en briquetage. Dix-sept anneaux comportant entre huit et vingt morceaux coupés à angle, ensuite arrondis. Tant de travail pour une forme qui, dans tout autre matériau, aurait été simple à produire. Tant de bois, de poids et d’espace qui n’ont rien à voir avec la fonction d’une table et existent purement pour aider à faire résonner les tambours (et rappeler leur forme).
L’usage de quincaillerie de batteries pour rattacher les pattes en acier vient se pairer à la quincaillerie des tambours pour renforcer l’aspect d’objet hybride. C’est aussi dans cet esprit que j’ai choisi de travailler avec l’acajou et le satiné rubané. Je me suis plu à utiliser pour ce meuble
excentrique ces bois aux couleurs brun-orangé et rouge, dont la couleur rappelle celle d’instruments classiques et sobres comme les contrebasses et les timbales.
Est-ce une table, ou un instrument ? Tout dépend de votre humeur et de votre patience.
Roxanne Gagné
○ Biographie
Roxanne Gagné est une artiste céramiste qui vit et travaille dans la ville de Québec. Elle détient un certificat en développement durable. Désirant apprendre à travailler de ses mains et se lancer dans l’apprentissage d’un travail technique, elle se réoriente en suivant une formation en céramique à la Maison des métiers d’art de Québec. Diplômée en 2022, Roxanne Gagné lance son projet entrepreneurial Roga. La céramiste jongle entre une production de pièces utilitaires et d’œuvres d’expressions inspirées du territoire.
○ Démarche artistique
Mon parcours en tourisme et en développement durable vient enrichir et teinter mes réflexions et mon processus de création. Le territoire et la trace sont au cœur de mes préoccupations et inspirations. Je m’intéresse à la relation entre l’humain et son environnement et au contact physique avec ces espaces qu’on habite.
Je m’imprègne d’un lieu en contemplant tous les détails, mêmes les plus discrets. Je collecte dans la nature des roches et des végétaux qui m’inspirent et attirent mon regard soit par leur couleur, leur texture ou leur forme. Je mets en valeur ces trouvailles en les intégrant dans mon processus de fabrication. Je peux les ajouter à la pâte céramique pour conserver leur empreinte ou les utiliser comme outils. Je suis attirée par le hasard de la combinaison de matériaux et par l’unicité.
Je souhaite matérialiser l’ambiance, les émotions vécues et les sensations en concevant des pièces empreintes de l’esprit du territoire. Ces interprétations expressives et sensibles mettent en valeurs les textures de l’argile et les nuances des glaçures en interactions avec celles-ci. La céramique me permet de capter et figer dans le temps mes souvenirs, devenant un témoin de la transformation de l’environnement exposé aux évènements naturels, au temps. Ces paysages qui m’habitent laissent une trace dans mes créations géopoétiques. Avec la simplicité et l’harmonie, je tente d’exprimer la beauté.
○ Intention artistique
Collecte #1
Le territoire et la trace sont au cœur de mes préoccupations et de mes inspirations. Je m’intéresse à la relation que j’entretiens avec mon environnement et au contact physique avec ces espaces qui m’habitent. Ce projet m’a permis d’immortaliser un moment de connexion et de contemplation entre un lieu et mon individualité.
Comme lieu d’inspiration, je me suis intéressée au littoral du Fleuve Saint-Laurent. Depuis les dix dernières années, j’ai développé un attachement particulier au fleuve, plus précisément depuis que je fréquente régulièrement le chalet familial à Rimouski, en bordure du fleuve. Je chérie la chance que j’aie d’avoir un accès direct à celui-ci, si près de chez moi. Cela a fait naître une envie de documenter le passage de l’hiver au printemps en photographiant les berges et en collectant de la matière sur place.
« Collecte #1 » est une ode à la flânerie, à la poésie du dehors et à ma sensibilité pour le territoire et les paysages. Cette œuvre est composée de deux vases en dialogue l’un avec l’autre. J’ai utilisé la matière récoltée pendant mes visites, principalement des roches et des végétaux, comme matière et outil pour imprégner les vases aux différents stades de fabrication. L’application expressive des glaçures et les couleurs font écho à la ligne d’horizon, la fluidité, la fonte des glaces, les marées, les sédiments, les roches et les végétaux qui se sont transformés au fil de mes visites.
Une ambiance sonore captée au lieu d’inspiration est diffusée à l’intérieur d’un des vases et est perceptible si on tend l’oreille près du goulot, tel l’écho de la mer dans un coquillage. Cet enregistrement permet de communiquer une ambiance sans donner de référence visuelle, laissant ainsi une liberté d’interprétation pour le spectateur.
Mon projet s’inscrit dans les préoccupations environnementales de notre époque. Mon parcours en développement durable vient enrichir mes réflexions et ma démarche. Je souhaite que mes œuvres géopoétiques sensibilisent les gens à se reconnecter à l’essentiel par mon approche sensible et consciente du territoire et des espaces que nous habitons.
Félix Gélinas Serré
○ Biographie
Natif de Québec, Félix Gélinas Serré a eu la chance durant ses cinq années de parcours d’acquérir des connaissances dans le monde de l’ébénisterie. Aujourd’hui finissant au DEC en Techniques de métiers d’art – option Ébénisterie artisanale (2018-2022), il a intégré le milieu du travail en parallèle de ses études. Tout d’abord chez La Muse bois (2020-2021) où il a été technicien d’atelier, puis chez François Simard Encadreur (2021-2022), où sa passion pour le domaine des arts et des métiers de création a pris un nouvel élan. C’est notamment à travers cette expérience qu’il a su parfaire ses techniques, tant sur la compréhension de la mise en valeur d’une œuvre, que sur l’importance et la qualité de la fabrication, en passant par la minutie de la finition et l’interprétation de l’œuvre dans son milieu. Finalement, il vient tout juste de participer à l’exposition « Entre les branches » au Centre Materia qui soulignait sa fin de parcours où il a notamment remporté le prix Coup de cœur du public.
○ Démarche artistique
Enthousiaste du travail en atelier, j’aborde la création avec plaisir et conviction. C’est d’ailleurs en voulant combiner le domaine des arts aux métiers de création que j’ai amorcé la formation d’ébénisterie artisanale. À travers le processus, la chaise s’est révélée être pour moi un objet de fascination. C’est avec celle-ci que j’ai repoussé l’art du savoir-faire du gabarit. Sensible à mon environnement et soucieux du moindre détail, la
chaise m’a permis entre autres de repenser les objets du quotidien. C’est en voulant démontrer le caractère inhérent qui se trouve entre Objet et Individu que ma méthodologie s’est de plus en plus raffinée afin de livrer un travail cohérent.
Ainsi, ma démarche générale se résume à travers une volonté bien précise, celle de la démocratisation de la chaise et du fauteuil. La conceptualisation et la fabrication de ces produits visent à revisiter le mobilier utilitaire du quotidien. Dans un esprit de retour au local et d’économie de proximité, les produits s’inscrivent dans une idéologie de
valorisation culturelle du produit québécois en souhaitant mettre en valeur le territoire et la culture du Québec. Que ce soit par les essences de bois, par certaines méthodes d’assemblages ou encore par des recouvrements de textiles en partenariat avec d’autres entreprises d’ici. L’objet résultant souhaite être accessible à qui sait reconnaître la valeur du travail bien fait tout en évitant la surenchère d’un produit qui veut avant tout concrétiser son objectif premier : la démocratisation de la chaise. Épurée et travaillée dans les moindres détails avec des finitions qui visent la perfection, la chaise crée un lien entre l’individu et l’environnement. Par des créations visuellement contrôlées dans un esprit de légèreté et de fluidité, l’usager est invité à faire partie de cette redécouverte du quotidien.
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
Fauteuil 01
Prendre le temps, que ce soit pour penser, se reposer ou encore pour s’envoler dans ses pensées, la chaise joue un rôle de soutien dans le quotidien. En revisitant cet objet du quotidien, le fauteuil souhaite susciter l’émotion chez l’individu. En prenant conscience de son environnement, la matière devient fauteuil, rappelant la noblesse des matériaux. Moment de pause et de tendresse, l’usager devient central, résultat d’un profond désir de redéfinir l’individu avec son intellect, son sens créatif et ultimement avec son soi. Cette réflexion sur l’objet du quotidien résulte d’une analyse multifactorielle comprenant confort, esthétique et pérennité à travers une proposition sobre. L’individu au cœur de la démarche, les dimensions souhaitent atteindre l’équilibre entre sentiment d’intimité et de liberté. Le choix de la matérialité s’est arrêté sur une proposition qui laisse transparaître un sentiment apaisant, sobre et léger. En effet, le hêtre commun,
Fagus sylvatica, est un bois
dur qui possède un grain particulièrement fin ainsi qu’un fil droit. Très homogène, il offre également d’excellentes possibilités de polissage. La structure du fauteuil a été réfléchie ainsi, avec cette volonté de simplicité et d’élégance, une base sur laquelle l’individu se laisse porter par ses propres pensées. Comme agencement, les assemblages de cuivre ont été conceptualisés afin de susciter l’impression de flottement et de finesse tout en conservant la fonction de dissimuler l’aspect utilitaire des vis. Se reposant sur cette structure sobre et intemporelle, le dossier et l’assise, d’un bleu nuit, souvent synonyme de sérénité et de contemplation, évoquent ainsi la scène nocturne. Les bas des pattes, de la même couleur, deviennent un moyen d’exprimer l’ancrage au sol du
fauteuil, contraste de sa légèreté et de sa sobriété en structure.
Ancré dans un moment de conscience de soi, le fauteuil propose à l’individu un moment unique de réflexion, une pause aux tourments du quotidien.
Sébastien Gratecap
○ Biographie
Mon histoire avec la musique a commencé à l’âge de 7 ans, en assistant à mon premier concert de musique classique. Peu après, j’apprenais à jouer de l’alto au conservatoire de musique de Paris. J’y ai pratiqué cet instrument pendant 10 ans. Après avoir travaillé en support technique aux compagnies aériennes durant 16 ans pour Airbus, j’ai décidé de donner un tournant à ma vie et rejoindre le domaine de la musique que j’affectionne particulièrement. J’ai alors suivi une formation à l’École nationale de lutherie à Québec. Sitôt diplômé en 2021, j’ai créé mon entreprise avec l’ambition de fabriquer, entretenir et réparer les instruments du quatuor classiques et contemporains. Mon objectif est de créer mes propres modèles d’instruments et de toucher une clientèle à l’international.
○ Démarche artistique
Je suis luthier et spécialisé dans les instruments du quatuor : violon, alto et violoncelle. L’entretien et la réparation sont mes principales activités et je fabrique aussi des instruments classiques et contemporains. Tout en conservant les techniques traditionnelles de fabrication des instruments classiques, je créé des instruments ayant de nouvelles formes, teintes et sonorités. Je porte une attention particulière à l’esthétique et à l’ergonomie. Mes créations sont destinées aux amateurs/trices ou professionnels/les. En proposant des instruments classiques et contemporains, je m’adresse aux interprètes de tous les styles musicaux tels que la musique classique, le rock, le jazz, la musique celtique… Ces
instruments sont conçus avec une démarche participative. J’offre à ma clientèle la possibilité de laisser libre court à leur imagination afin que leur instrument reflète leur personnalité artistique. En tant que luthier, je leur explique les limites et les contraintes techniques de leur
demande et leur propose des alternatives.
Je m’inspire beaucoup des instruments traditionnels auxquels j’apporte une touche de modernité, en modifiant les matériaux utilisés et les procédés de fabrication. Mon désir de respecter l’environnement me conduit à utiliser des essences de bois provenant du Québec. De même, je favorise un achat local pour les accessoires et les fournitures nécessaires au montage et au conditionnement des instruments. Tout en conservant des méthodes
ancestrales de façonnage et d’assemblage, je n’hésite pas à utiliser aussi les avancées technologiques qui ont démontré leur efficacité. Ainsi, je fabrique, répare et restaure les instruments du quatuor en associant tradition et modernité.
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
L’Indécis
Mon projet a consisté à fabriquer un instrument de musique contemporain, durant ma dernière session à l’École nationale de lutherie en 2021. Plus précisément, un alto. Je n’ai pas eu de contraintes concernant l’esthétique de l’instrument. Cependant, j’ai dû respecter des consignes précises pour la conception et les techniques de production. J’ai alors eu l’envie de créer un instrument à mi-chemin entre un alto et une guitare.
Par la réalisation de cet alto nommé L’Indécis, j’ai souhaité rassembler différents styles artistiques, différentes techniques de fabrication, différentes caractéristiques propres à l’alto et à la guitare. Cet instrument est également le reflet de ma personnalité et correspond, selon moi, à un modèle d’instrument qui pourrait être joué dans des styles musicaux autres que la musique classique.
Pour cet instrument contemporain, j’ai voulu créer un contraste entre les matériaux utilisés en lutherie violon et ceux utilisés en lutherie guitare. La table est en épicéa. Le manche et le fond sont en érable ondé. Les éclisses sont en érable rouge. La touche et les bouchonnages de
chevilles sont en ébène. Les contre-éclisses sont en épicéa côté violon et en sapele côté guitare. Enfin, j’ai remplacé les chevilles traditionnelles en ébène par des chevilles mécaniques de ukulélé. Trois raisons à ceci: l’esthétique, l’ergonomie et une précision pour accorder l’instrument.
Ce projet d’instrument contemporain est une première pour moi. Malgré un plan bien défini à la base, je me suis autorisé à y apporter quelques modifications au fur et à mesure de la fabrication. J’ai ainsi eu l’occasion de faire des recherches sur la forme et la taille des f. Aussi, j’ai découvert l’importance de respecter certains critères lors de la conception des instruments.
Mes goûts musicaux sont très variés. En concevant L’Indécis, j’ai voulu rassembler deux instruments que j’apprécie, tant par leurs formes que par leurs sons. Mon objectif était de créer un instrument ayant des formes, des teintes, des matériaux et surtout un style qui sortent de l’ordinaire.
L’Indécis est une évolution du premier alto classique, le Laëtinie, que j’ai fabriqué en 2020. Pour ce dernier, je m’étais inspiré du Kievman de Gasparo da Salo et du Archinto de Stradivarius. La découverte du violon guitare de François Chanot m’a permis d’apporter le côté original de L’Indécis. Sur l’éclisse côté guitare, on peut observer une gravure faisant
référence au mouvement baroque que j’apprécie particulièrement pour ses différentes caractéristiques.
À la vue de L’Indécis, je souhaite créer la surprise, l’étonnement, l’interrogation, l’enthousiasme, l’emballement, l’envie de le saisir et d’en jouer.
En tant qu’altiste, j’ai voulu créer un instrument ayant un aspect différent des instruments du quatuor traditionnels. Afin de ne pas modifier le timbre, j’ai souhaité conserver une caisse de résonance. L’Indécis est destiné aux musiciens qui souhaitent jouer d’un instrument atypique, qui se dégage de ses racines classiques et traditionnelles.
Laura Huchet
○ Biographie
Arrivée de France en 2018, et aux suites de l’obtention d’un diplôme universitaire en anthropologie, Laura Huchet décide de se plonger dans l’apprentissage d’un savoir-faire artisanal millénaire. Désireuse de développer son côté créatif, elle s’oriente vers la céramique au travers d’un cursus qui promeut autant la production utilitaire qu’expressive. Au cours de sa formation, elle explore les thématiques des origines, qu’elles soient culturelles, sociales, ou encore familiales. Finissante, elle a exposé son travail au Centre Materia dans l’exposition (in)tangible qui s’est tenue en juin dernier.
○ Démarche artistique
Mon parcours en anthropologie vient probablement teinter mes réflexions et engagements : j’aime notamment conférer une place importante au travail de recherche et au dialogue. Je considère mon travail comme « engagé », puisqu’il tient à offrir une voix aux réalités plus taciturnes, dans un vœu féministe et anticapitaliste.
Ma pratique artistique s’axe autour d’une production céramique façonnée et modelée, cuite au gaz, laissant une place suggestive à l’argile « nue », sans glaçure. Je souhaite proposer un équilibre entre lesdites glaçures très riches obtenues par l’atmosphère réductrice du four, et la présence de la terre. Mes créations s’inscrivent souvent dans une esthétique de trompe-l’œil d’objets du quotidien, les transposant dans la matière argileuse afin de leur conférer un caractère plus pérenne et d’inviter l’observateur à réfléchir sur la présence de ces objets dans nos vies. Orienter le regard vers ces petits riens qui nous fascinent afin d’explorer le cortège d’émotions qu’ils sous-tendent. J’essaye généralement de proposer un discours affilié aux objets, par le biais d’une incrustation de texte, me permettant parfois de détourner leur fonction, ou bien de l’embrasser davantage.
Je me considère en opposition au monumental : parler de la sphère de l’intime, ouvrir la parole aux existences silencieuses. Il est important pour moi de sortir des discours établis pour faire advenir une pluralité d’expériences valides, sensibles, indulgentes. Je crois d’ailleurs m’inspirer du mouvement expressionniste, courant figuratif rejetant les structures sociales et les politiques dominantes, afin de faire advenir l’expérience émotionnelle plutôt que la réalité physique.
○ Intention artistique
Magasin de souvenirs
La mémoire et le souvenir sont au cœur de mes préoccupations, inspirées du rapport entretenu par ma famille avec ces thématiques. Pour y faire honneur dans ce projet de création, j’ai souhaité porter dans l’argile les expériences de vie et apprentissages de ma grand-mère, établissant un dialogue entre nos deux réalités.
« Magasin de souvenirs » est une œuvre composée de 38 cartes postales en porcelaine, cuites au gaz, disposées sur un présentoir rotatif. Des glaçures sont travaillées en gestuelle sur le recto, tandis que le verso laisse apparaître des inscriptions manuscrites gravées dans l’argile nue. Chaque carte est le support d’un moment de vie, raconté par ma grand-mère lors d’entretiens guidés, puis affiliés à la matière argileuse par un travail de conciliation des deux médiums expressifs. Les mémoires viennent soutenir les paysages de glaçure abstraits, dont sont inspirées les réminiscences glanées. Il s’agit tantôt des mots de ma grand-mère, tantôt des miens, gravés au laser afin d’accompagner d’une parole fantôme l’horizon coloré.
De la carte postale, on y retrouve le moment d’intimité partagé d’un bout à l’autre du monde, exercice pratiqué à l’échelle avec ma grand-mère qui vit à un océan de distance. J’ai choisi de rendre visible et lisible ces missives, afin de soutenir l’essence même de la carte postale, passant d’abord entre les mains des postiers, vulnérable de leurs regards. Le présentoir vient révéler la tension établie entre l’intimité et la marchandisation, en redonnant une matérialité aux souvenirs qui l’auraient peut-être perdue sur le chemin.
Jiwan Larouche
○ Biographie
Originaire de Lévis, Jiwan vit et travaille dans la ville de Québec. Titulaire d’un baccalauréat en traduction, iel s’est plutôt réorienté.e vers un parcours créatif à partir de 2016 : iel a cofondé des entreprises d’artisanat, notamment Kundatelier et a prêté main-forte au milieu artistique en produisant des marionnettes et des décors de théâtre pour plusieurs productions, notamment au Diamant et au Musée de la civilisation.
L’artiste s’est dirigé.e vers le programme de sculpture du Cégep Limoilou afin d’approfondir sa maîtrise des matériaux et de pouvoir mener ses propres projets artistiques. Pendant ses études, iel a participé
au projet La Falla organisé par la TOHU à Montréal à l’été 2021 en tant qu’artiste sculpteur.e.
○ Démarche artistique
Je suis un.e artiste sculpteur.e qui provient du milieu de la marionnette et du théâtre. Ma pratique artistique se développe à partir d’une multitude d’expériences intimes que j’ai avec l’humain, l’animal et le végétal. Je
désire immortaliser le subtil et le mettre en valeur à travers des allégories surréalistes et baroques foisonnantes. Mes recherches portent sur les corps humains diversifiés, la nature queer et fluide des genres et
des relations, la solidarité humain/nature ainsi que la flore du Québec. Je construis souvent à partir de fragments de corps moulés ou modelés (plâtre, résine, silicone, uréthane); j’explore ces déploiements formels
à travers le dessin et j’élabore des structures complexes (acier, aluminium) pour ensuite les recouvrir de tissus rembourrés (broderie, ornements, perles, épingles, pierres).
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
Les Trois Grâces
Le projet que je propose est une sculpture de 8 pieds de haut entièrement démontable : il s’agit de trois êtres hybrides (humain/végétation) qui se tiennent serrés sur un rocher, un socle angulaire en acier. Leurs jambes sont humaines, les corps sont rembourrés et dorés; leurs racines perlées
s’entremêlent, se caressent, se collent. Ensemble, iels font racines et grandissent, déployant leurs 84 feuilles brodées avec du métal et leurs fleurs dans l’espace. Dans cette sculpture, je mets en lumière les possibilités de croissance découlant des rapprochements entre êtres humains.
Dans cette pièce, le rocher représente la situation précaire dans laquelle la société se trouve et la nécessité d’y être solidaire. Leur hybridité est inspirée des pommes de terre : pour les faire pousser, il faut planter des morceaux, qui font racines et qui s’unissent pour donner des feuilles, des fleurs, et une belle récolte. Avec tout ce qui s’est passé dans les dernières années (pandémie, mesures sanitaires, division), je trouve qu’il est crucial de rappeler aux gens de se reconnecter les uns avec les
autres. Même si on ne se sent pas “entier”, on peut s’allier pour faire quelque chose de beau.
Pour avoir travaillé sur la sculpture de Madame Butterfly qui faisait partie de l’exposition d’ouverture du Diamant, je trouve que cette pièce se prête parfaitement à l’atmosphère du lieu et aux performances de cirque qui y seront exécutées. Le socle de la sculpture est assez solide pour
supporter les artistes qui voudront y grimper. Sans se pendre aux personnages, il sera possible de les serrer dans leurs bras et d’interagir avec les branches et les feuilles, qui créent une canopée brillante.
Mathieu Legal
○ Biographie
Artiste dans l’âme et habile en dessin et de ses mains, Mathieu a d’abord obtenu une formation technique en architecture, métier qu’il a pratiqué pendant huit ans avec des architectes chevronnés qui lui ont transmis leur savoir-faire, leur professionnalisme, leur rigueur et leur éthique du travail bien fait.
Cette période professionnelle dans sa jeune vingtaine a été un constant combat pour lui entre avoir une carrière et son désir de découverte du monde ce qui a été très révélateur pour son identité. Ces périodes de changement entre les différentes firmes d’architecture de Montréal à Victoria entremêlé de voyages en
backpack à travers l’Europe et les
roadtrips à travers le Canada nourrissaient son envie de liberté et de découverte. Cependant à la fin de la vingtaine le désir de construire quelque chose bien à lui a commencé à remplacer les changements constants.
Son amour des métiers d’art remonte à sa tendre enfance. Influencé par les talents artistiques et manuels de son grand-père. Il a été exposé à la créativité et aux outils toute sa vie. En effet, ses grands-parents avec qui il a passé beaucoup de temps lui ont transmis leur amour des arts, des lettres, de la culture et des voyages ainsi que les joies du travail
manuel et le sentiment de fierté qui accompagne les accomplissements. Son parcours a aussi été influencé par ses deux parents agronomes qui ont fait de l’agriculture et la nature un style de vie.
La sensibilité de Mathieu envers la beauté et l’environnement l’a amené tout naturellement à l’ébénisterie. Mathieu s’est ainsi établi à Québec en 2017 pour effectuer un retour aux études afin d’obtenir un diplôme d’études collégiales en Techniques de métiers d’art, option Ébénisterie artisanal du Cégep Limoilou avec l’assurance qu’une vie d’artisan saurait remplir ses aspirations de vie.
Depuis sa formation, en devenant artisan professionnel, ce désir de construire quelque chose pour lui et de redonner aux autres s’est concrétisé en réalité, maintenant il transforme la matière avec passion!
○ Démarche artistique
Ma démarche artistique est un calque de mes valeurs personnelles, comme tant d’artisans je transpose mes valeurs dans mes œuvres. Je valorise un esthétisme sensible à son environnement en étant à la fois ergonomique et fonctionnel à l’usage tout en répondant à mes critères de durabilité et d’esthétisme.
Je travaille principalement avec le bois comme matière première; c’est une matière toujours vivante qui est riche en couleurs et en possibilités, sa maîtrise est un apprentissage constant pour en révéler la beauté. Cette recherche constante est une grande source de motivation pour toujours se dépasser à être meilleur qu’hier.
J’aborde chaque nouveau projet avec un regard curieux et une envie de dépassement. Chaque projet commence par des esquisses à main levée, ce qui me permet d’établir une ligne directrice esthétique et de concevoir sa réalisation en résorbant d’avance les enjeux techniques. Chaque projet a pour nature de s’inscrire dans le développement durable, d’être fonctionnel et agréable à l’œil; chaque projet doit s’embellir avec le temps et devenir une valeur ajoutée au quotidien des gens.
J’ai une éthique de travail et une vision de conception esthétique qui tirent leurs sources d’inspiration scandinave et du style Shaker. Toutefois la fluidité des lignes coup de fouet, les proportions organiques de l’art nouveau et la simplicité ingénieuse du modernisme sont des sources indissociables de mon inspiration artistique. Cependant, je garde toujours en tête les règles de l’art qui ont été établies de l’antiquité grecque à la renaissance.
Je crois sincèrement à la devise anglaise :
clean design will last basé sur des valeurs minimalistes et de design épuré. J’aspire à avoir une ligne esthétique intemporelle pour que toutes mes œuvres puissent s’inscrire comme étant des témoins silencieux du temps.
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
Trépied’Artis
Ma première intention était de créer une œuvre qui aurait le potentiel de se retrouver dans un musée.
J’avais le désir de créer par instinct, de laisser libre cours à mon imagination, de jouer avec les courbes et de façonner le design aux outils manuels. Cependant, j’ai appris à mes dépens qu’il est utopique de ne travailler qu’à l’instinct sur un projet complexe. Même si cela semble contradictoire, pour laisser libre cours à la création, celle-ci nécessite d’être planifié pour éviter toutes formes de frustrations.
J’ai établi que la technique de cintrage serait ma base et que j’utiliserais la vastringue et la râpe pour façonner le résultat final, ces techniques me permettraient de réaliser mes intentions. De plus, ce sont des techniques et outils que je voulais approfondir pour mon identité visuelle.
Je voulais expérimenter l’équilibre d’un trépied isocèle; un axe principal cintré de bonne hauteur soutenue par deux fines pattes était un bon défi, le doute de l’équilibre et de la solidité de l’œuvre a été présent jusqu’à la réalisation de la base.
Ma première idée était de créer une lampe ajustable sur pied avec un globe galbé en forme d’ogive. J’ai encouru beaucoup de difficultés pour cette idée. La forme du globe galbé que j’avais en tête était complexe, il était très laborieux de le faire en placage, j’ai donc décidé de le façonner dans une pièce massive, sa structure s’affaiblissait après chaque opération, il s’est inévitablement brisé dans l’étau.
Le décès de ma grand-mère est survenu pendant la durée de ce projet. Les émotions étaient vives entre le deuil et rendre une réalisation digne de moi à temps pour l’exposition. J’en suis revenu à la base de ma reconversion en métiers d’art en me remémorant le souvenir de ma première visite avec ma grand-mère au musée d’Orsay, l’art devait être présent. J’ai donc converti ma lampe en trépied pour tableau.
Le support ajustable m’a donné la liberté de création que je voulais en premier.
– Trois pièces cintrées dans la même courbe que l’axe principal. J’ai tracé
directement les formes sur les pièces que j’ai ensuite façonnées à la main.
– Le serrage à cam et de fabrication artisanale; une tige d’acier fileté soudé sur une plaque d’acier compresse les lamelles du centre et la cam en makoré encollé d’un cintrage de placage de frêne vient serrer le tout en place. La cam est solide, mais fragile avec une petite touche d’élégance.
Ce Trépied’Artis démontre ma recherche de forme, mes connaissances techniques et ma dextérité des outils manuels, j’invite ainsi les métiers d’art dans l’art visuel.
Émilie Ouimet
○ Biographie
Originaire de Québec, Émilie Ouimet évolue dans un monde alimenté par les arts et les sciences. Après un DEC en sciences naturelles et une année de réflexion sur soi, elle entreprend un deuxième DEC, cette fois-ci en métiers d’art, dans l’option joaillerie. Elle a obtenu son diplôme en mai 2022.
○ Démarche artistique
L’expression de l’âme : ses sentiments, ses ressentis, ses expériences sont des éléments clés de ma démarche artistique. Œuvrant dans le monde de la joaillerie, j’utilise les matériaux et les techniques de ce métier de façon à créer des œuvres narratives qui évoquent une émotion, décrivent un trait de personnalité… Ironiquement, j’ai de la difficulté à m’exprimer par la parole. Je me tourne donc vers les arts pour manifester ce que je ne peux exprimer en mots.
L’influence des périodes du Baroque et de la Renaissance se traduit dans mes œuvres par les contrastes clair-obscur ou les contrastes de textures, ainsi que par l’intégration de mouvements cinétiques ou d’éléments scientifiques. Pour ce faire, j’utilise principalement l’argent 925 dans mes créations que je travaille grâce à des techniques de traitement de surfaces telles que la réticulation, l’embossage à la presse hydraulique, l’impression au laminoir, le poinçonnage, etc. J’utilise également régulièrement l’oxydation afin d’accentuer les contrastes et définir davantage les textures.
La connexion de l’être intérieur avec le corps est également un aspect qui me guide dans ma création. Mes œuvres sont donc souvent interactives, le mouvement de l’expression artistique est enclenché par le corps physique, faisant un lien direct entre le message de l’œuvre et le porteur.
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
Attraction
Suite à la visite de l’exposition Maya au Musée de la civilisation, nous avions comme mandat de créer un collier de parure s’inspirant de la culture de ce peuple ancien. Influencée par le côté scientifique très développé de cette société, j’ai voulu créer une œuvre qui évoquait un concept physique important dans la culture maya et, aussi surprenant soit-il, encore bien présent dans notre société d’aujourd’hui : les points cardinaux.
De ce concept a découlé l’idée de fabriquer une œuvre d’expression dans laquelle le magnétisme était mis de l’avant. C’est en explorant différentes expériences physiques faites à l’aide d’aimants que l’idée d’incorporation de limaille d’acier dans l’eau à mon bijou a vu le jour.
Ainsi, la fabrication d’une œuvre interactive grâce à laquelle le porteur pourrait, par lui-même, explorer ce concept et contrôler un phénomène magnétique était primordiale. De plus, la création de ce bijou dans un style plus contemporain et industriel était un autre élément important afin que le bijou s’éloigne de la stylistique du peuple maya.
Attraction est donc composé d’un pendentif principal fait d’un contenant cylindrique de plastique dur et transparent dans lequel l’eau et la limaille d’acier sont incorporés. Ce tube est fixé de façon à représenter une fiole rappelant la science-fiction. Le collier est ensuite monté de pièces semblables à des pièces de tuyauterie ainsi que de fils d’argent oxydé et un fil d’acier exposant l’œuvre à son côté industriel et contemporain.
Le fermoir du collier devait, pour sa part, faire partie intégrante et se confondre dans l’œuvre. Ainsi, le bijou s’attache grâce à un aimant sertie qui est attiré par la limaille d’acier contenue dans l’eau. Cette interaction du porteur avec le bijou offre un aspect intéressant à l’œuvre et rapproche l’observateur au bijou, donc indirectement au concept développé il y a de cela plusieurs milliers d’années par le peuple maya.
Jeanne Parrau
○ Biographie
Originaire de Grenoble en France, Jeanne Parrau, sculpteure, se passionne pour les animaux depuis son plus jeune âge. C’est donc naturellement qu’elle effectue un baccalauréat dans l’élevage de chiens (2012-2014). A la fin de ses études, Jeanne se réoriente dans le travail du bois. Elle effectue deux diplômes en menuiserie (équivalent de l’ébénisterie au Québec) entre 2014 et 2017. En terminant son Brevet professionnel, Jeanne décide de poursuivre et de compléter ses connaissances sur le bois en réalisant un DEP en ébénisterie à Sainte-Marie-de-Beauce au Québec (2018). Ne voulant pas toujours fabriquer la même chose et souhaitant relever des défis, Jeanne se réoriente une nouvelle fois. Elle choisit la sculpture, qui est une continuité de tout le travail du bois réalisé auparavant. Jeanne décide donc de faire un DEC au Cégep Limoilou (2019-2022).
○ Démarche artistique
Inspiré par la liberté et l’authenticité qui se dégagent de la figure animale, Jeanne aime illustrer ce caractère instinctif dans ses sculptures.
Le processus créatif de l’artiste est essentiellement guidé par l’instinct et la spontanéité, quel que soit le matériau choisi pour concevoir une œuvre. En travaillant le bois et le fer selon ses inspirations, elle transforme la matière brute en œuvre travaillée, et lui donne ainsi une nouvelle dimension.
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
Enraciné dans la diversité
J’ai choisi de réaliser une sculpture animalière en m’inspirant de la nature. Pour ce projet, j’ai donc décidé de représenter un ours en décuplant les proportions du prototype de départ et en le réalisant grandeur nature. J’ai choisi ces proportions pour mettre en évidence le côté imposant du sujet de ma sculpture. J’ai aussi effectué des recherches sur sa posture, sur le positionnement de ses pattes ainsi que sur sa tête.
Pour le choix du matériau principal de ma sculpture, j’ai décidé de prendre du bois qui, outre l’allusion à mon passage en ébénisterie, rappelle aussi la nature et surtout la forêt.
Je trouve intéressant de travailler deux matériaux complètement différents. C’est donc pour cela que j’ai choisi de travailler l’acier qui contraste avec le bois. Ils sont même opposés, car l’un est naturel tandis que l’autre est industriel. L’acier se présente sous une sorte d’exosquelette en baguettes. Elles sont soudées entre elles et viennent former des racines qui piègent l’ours, qui l’ancrent et le ramènent à la terre.
Pour créer un dialogue entre ma pièce unique et ma série, j’ai décidé de réaliser un banc de poissons. Ici, je propose une centaine d’individus, à la fois semblables et uniques, qui représentent la force du nombre. Chaque poisson se suffit à lui-même, mais en groupe, ils resplendissent. Afin d’ajouter du mouvement à cette proposition, j’ai eu l’idée de fixer chaque
poisson à une longue tige de métal. Ainsi s’installe un balancement rappelant les fluctuations du courant. La forme triangulaire des bases fait écho à ma formation en ébénisterie où tout est rectiligne et géométrique. Elles font contraste aux poissons qui eux sont organiques.
Le titre, Enraciné face à la diversité, possède plusieurs sens. Le choix du mot « enraciné », vient littéralement du fait que des racines poussent sur l’ours, mais cela pourrait aussi faire un lien avec ma propre situation, venant d’un pays étranger et souhaitant pouvoir m’implanter au Québec. Concernant le choix du mot « diversité », cela illustre que malgré l’apparente unicité que confère le nombre, chaque poisson est unique. Et je trouve que c’est le mot le plus important, car il représente aussi notre société actuelle.
Thierry Sterckeman
○ Biographie
Titulaire d’un baccalauréat en musique jazz et interprète professionnel à la contrebasse, Thierry Sterckeman a gradué à l’École nationale de lutherie (ENL) en 2021. Son parcours à l’ENL a été souligné par une bourse d’excellence. Depuis 2010, il participe à des projets musicaux dans divers contextes allant de la rue aux festivals internationaux. Ses intérêts et ses expériences musicales variés lui servent régulièrement pour bien cerner les besoins et les préférences des interprètes quant à leurs instruments.
Pour Sterckeman, la lutherie prend son sens dans les liens de proximité qu’il entretient avec les interprètes.
La vision spécifique qu’il a sur sa pratique provient de sa propre expérience de musicien et de son intérêt pour les plus récentes connaissances de l’acoustique du bois et de l’ergonomie des instruments.
○ Démarche artistique
Sterckeman aime innover en lutherie, tout en respectant les normes établies par les maîtres du passé. Priorisant le confort et la facilité de jeu, il n’hésite pas à intégrer sa vision lors de la fabrication de ses instruments. Son œil est attiré vers une esthétique moderne, sobre et élégante.
Le bois est un matériau imparfait et chaque morceau est unique. Jumelé à l’unicité du travail à la main, l’artisan met au monde un instrument original. Pour Thierry Sterckeman, le processus de fabrication exige l’observation, porte à la découverte, et lui demande d’adapter son travail pour arriver, ultimement, à la personnalité propre de l’instrument.
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
Semuta
Avec le violon Semuta, Sterckeman a voulu se détacher de la tradition rigoureuse de la lutherie de violon en explorant un style qui lui était plus personnel. Il a délaissé les courbes fluides caractéristiques du violon canonique au profit de lignes angulaires. Cela donne un aspect moderne à l’instrument tout en conservant les rapports de proportion habituels du violon et ainsi assurer une forme harmonieuse. Une attention
particulière a été portée à la cohérence de la conception. Par exemple, les tours de la volute reflètent les lignes brisées du contour de la caisse.
Le violon Semuta se distingue parce qu’il a été conçu avec une essence de bois inhabituelle. Traditionnellement, l’érable est un incontournable en fabrication de violon, à la fois pour ses qualités matérielles supérieures que pour son aspect flamboyant. Or, il fallait trouver un bois qui pouvait offrir des qualités mécaniques similaires à l’érable tout en ayant un aspect aussi accrocheur visuellement. C’est avec ces considérations en tête que Sterckeman a choisi de travailler avec le koa, un bois endémique d’Hawaii. Sa densité et sa rigidité sont presque identiques à celles de
l’érable. Sa couleur brun foncé teinté de rouge ondoie et reflète la lumière, ce qui lui apporte beaucoup de caractère.
Le résultat est un instrument doté d’une voix unique qui se démarque par son timbre feutré. Singulier en apparence, il demeure accessible et familier aux instrumentistes qui en jouent.
Samuel St-Pierre
○ Biographie
Originaire du petit village de Berthier-sur-mer aux abords du fleuve Saint-Laurent, j’ai grandi sur la ferme laitière familiale avec mes quatre frères et sœurs. La réalité de vivre avec des parents agriculteurs m’a rapidement amené à développer des habiletés manuelles, de même qu’à m’inculquer des valeurs importantes comme le travail et le respect de la nature. Après mon secondaire, j’ai déménagé à Lévis, où j’ai poursuivi des études en techniques de travail social. Fraîchement diplômé, je ne m’imaginais pas à 20 ans sur le marché du travail. Cela m’a amené à faire un baccalauréat en sciences de l’éducation à l’Université Laval. Toutefois, je n’étais toujours pas heureux dans ce que je faisais et la conclusion était de plus en plus claire : j’avais besoin de revenir à la matière, de travailler de mes mains. C’est ainsi qu’en 2019 j’ai réorienté ma carrière vers les métiers d’art.
○ Démarche artistique
Le meuble est une œuvre d’art avec laquelle on partage son quotidien. Elle est vivante, autant par le bois qui bouge au gré des saisons que par son usage répété. Chaque égratignure, bosse ou trace d’usure ajoute du caractère à l’œuvre et la rend plus personnelle, plus chaleureuse.
Fondamentalement attaché à la nature, c’est avec un grand respect que j’approche le bois et l’utilise comme médium. Fasciné par l’arbre, mon travail cherche à mettre de l’avant sa beauté, que ce soit par sa couleur, son grain ou sa forme épurée.
Habité par le désir de créer et de transformer la matière, je m’imprègne des pratiques d’artisans de partout dans le monde pour créer des formes qui me ressemblent. Mon désir d’apprendre et de perfectionner ma pratique m’amène à m’amuser dans l’atelier autant avec des outils manuels qu’avec les nouvelles technologies. Cette exploration me renvoie au petit garçon qui gossait son bout de bois avec un canif et qui rêvait tant de
devenir forgeron de bois.
○ Intention artistique et recherches entourant l’œuvre
Obsession
Lors de la réalisation de cette œuvre, j’ai voulu exploiter le thème de l’obsession. Parfois grand moteur de motivation, l’obsession peut également devenir envahissante. C’est une thématique qui me rejoint personnellement, car j’ai toujours été quelqu’un qui se donne à fond dans des projets, dans de nouveaux intérêts, au point où j’en oublie les autres aspects de ma vie. J’ai donc voulu traiter des aspects positifs, mais aussi des effets pervers qu’une telle programmation de la psyché peut provoquer.
Afin de traiter le concept, j’ai choisi d’utiliser le jeu d’échecs comme symbole pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’une de mes propres obsessions m’ayant accompagné tout au long de ma vie. Pour moi, ce fut une échappatoire à de nombreuses occasions. Je pouvais m’y réfugier, m’entourant de logique et me contraignant à un univers de règles connues.
J’ai toujours vécu l’obsession par vague; parfois, elle occupe l’esprit pendant plusieurs semaines, avant de tomber en dormance pendant quelque temps pour ensuite ressurgir. L’échiquier pivotant exprime cet état de latence de l’obsession. Lorsque les pièces pointent vers le bas, l’endos de l’échiquier est à l’honneur en arborant une loupe de noyer noir. Le grain irrégulier du placage de la loupe vient contraster avec le reste de l’œuvre où tout est finement calculé. Ce détail vient témoigner de l’état mental trouble dans lequel on peut se retrouver lorsque quelque chose nous obsède.
Je me suis également amusé à travailler l’omniprésence de l’échiquier à travers l’œuvre; un échiquier est composé de 64 cases, soit 8 cases par 8 cases. Pour l’allaise du contour de la table, j’ai réalisé un briquetage de huit blocs de noyer. Même chose pour le piétement, où l’addition du nombre de pattes et du nombre d’entretoises nous donne le chiffre huit.
La réalisation de l’œuvre demandait des considérations techniques importantes. Les propriétés hygroscopiques du bois (qui fait en sorte qu’il absorbe l’humidité ambiante et bouge en fonction de celle-ci) posaient un problème en ce qui a trait au pivotement de l’échiquier au centre de la table. Ainsi, un corps en panneau de particule plaqué bois assurait la stabilité nécessaire pour mener à terme mon idée. La même logique s’applique à l’échiquier en soi.
Les pièces aimantées présentaient elles aussi un défi supplémentaire. Le centrage des aimants sous l’échiquier fut un défi technique en soit, mais de nombreux tests ont dû être réalisés quant à la profondeur à laquelle incruster les aimants pour que les pièces ne présentent pas une force d’adhésion désagréable, tout en étant assez solide pour supporter le poids des pièces lorsque celles-ci ont la tête en bas.
La complexité de conception d’un jeu de pièces d’échecs n’est pas à sous-estimer. C’est une tâche de créer une pièce d’échecs esthétiquement plaisante, mais d’en concevoir six qui sont cohérentes entre elles en est une autre. De nombreux prototypes ont été modélisés, puis tournés avant de m’arrêter sur le modèle final. Des pions supplémentaires ont été fabriqués afin d’assurer la sélection des plus similaires possible pour l’œuvre finale.
Laurence Talbot
○ Biographie
Laurence Talbot est diplômée en Techniques de métiers d’art – option Joaillerie du Cégep Limoilou. Ses œuvres ont été exposées à la Galerie Lewis en juin 2021 ainsi qu’à l’École de joaillerie de Québec de
janvier à mai 2019.
Provenant d’une famille de musiciens, sa fibre artistique a été réveillée dès son tout jeune âge. Dans sa pratique, elle aime travailler avec la technique de la coulée à la cire perdue, ce qui lui permet de créer des pièces originales aux formes organiques et aléatoires. L’artiste vit et travaille à Québec.
○ Démarche artistique
Dans mes explorations récentes en joaillerie, l’expérimentation et le processus de création autour de la matière sont au centre de ma pratique. Passionnée par la culture, l’art, la mode, le design et la nature,
j’aime observer les objets, les espaces et les matières qui m’entourent afin de m’inspirer d’éléments qui font partie de mon quotidien.
Les objets qui nous entourent et ce que nous choisissons de porter influencent nos choix et communiquent qui nous sommes; c’est pourquoi la joaillerie est le médium idéal pour moi puisqu’il me permet de créer des objets d’art portables qui reflètent ma vision esthétique, sociale, culturelle, philosophique, tout en ayant l’opportunité de rejoindre d’autres gens par l’intermédiaire de la personne qui porte le bijou.
Ayant le souci du détail, de la qualité, de la durabilité et de la consommation responsable en tête, j’aime créer à partir de formes aléatoires provenant de retailles de projets antérieurs, de métaux
recyclés et m’inspirer de pièces de métal obtenues aléatoirement.
Pour moi, jouer avec les matières, les formes et les imperfections de la nature me motive à créer des pièces irrégulières aux formes organiques tout en jouant avec les contrastes de textures et finitions afin de trouver une harmonie et de réaliser des objets à la fois créatifs, audacieux, élégants et durables.
○ Intention artistique
Contrainte
Pour cette œuvre d’expression, j’ai voulu mettre en valeur le rapport que j’ai avec mon propre corps et la contrainte physique afin d’exprimer ma vision de ce qu’est l’acceptation de soi.
Ayant commencé à éprouver des troubles musculo-squelettiques lors de ma première année de formation en joaillerie, j’ai trouvé intéressant de creuser cet aspect lors de ma recherche pour ce projet de fin d’études.
Ce triptyque est constitué de trois pièces mettant en valeur la restriction de mouvements. Le premier élément est un corset rappelant la structure des corps à baleines ayant aidé les femmes des XVII
e et XVIII
e siècles à supporter le poids de leurs robes, bien qu’ils aient également eu la fonction de soutenir la poitrine et d’affiner la taille.
Les deux autres éléments sont un bracelet et un collier que j’ai conçus dans la même idée que le corset, c’est-à-dire en ayant en tête structure, support, mais aussi inconfort; c’est pourquoi j’ai choisi d’utiliser le fermoir à goupille pour ces deux pièces afin de pouvoir refléter cet aspect évoquant la contrainte physique et la restriction de mouvements, puisqu’une fois les goupilles insérées dans les charnières, il sera difficile pour la personne qui porte le bijou de bouger, voire même de l’enlever.
Par la réalisation de ce projet, j’ai donc voulu mettre en lumière mon long processus d’acceptation face à cette condition me limitant physiquement.
Karen Turgeon
○ Biographie
Karen est originaire de la Ville de Québec. Après des études universitaires en sciences sociales, elle part voyager quelques années en Asie et en Océanie. Elle revient par la suite à Québec pour un retour aux études en Techniques de métiers d’art – option Joaillerie, à l’École de joaillerie de Québec, où elle a gradué en 2021.
Elle est la récipiendaire des prix de la collection privée de l’École 2021 pour les catégories « Pièce unique » et « Bijoux de série ». Ses œuvres ont été exposées lors de l’exposition des finissants
Mouvance à la Galerie Lewis en juin 2021.
○ Démarche artistique
Dans mes pièces uniques, le rapport particulier entre la joaillerie et le corps humain est une source d’inspiration importante. Dans mes concepts, la réflexion autour du « support humain » qui porte le bijou est autant importante pour moi que le bijou lui-même. L’humain est par ailleurs toujours au cœur des réflexions et des sujets qui m’animent. Je m’intéresse à tous les aspects qui le composent, autant sa dimension physique, mentale, émotionnelle que spirituelle.
Pour ce qui est de mes pièces de série, je privilégie une approche d’exploration à partir de la matière avec des matériaux déjà faits ou des retailles de projets antérieurs. Cette manière de procéder m’amène d´abord à m’inspirer des formes et des textures et me permet également d’utiliser un processus de création plus aléatoire.
○ Intention artistique
Motion
Le bijou a différentes fonctions dont celle d’embellir, de mettre en évidence ou de mettre en valeur. Dans mon triptyque, je souhaitais utiliser la forte relation entre le bijou et le corps en portant l’attention du spectateur sur le corps humain, mais un corps en mouvement.
La première pièce, le collier, qui se porte dans le dos, a été créée de manière à pouvoir suivre la colonne vertébrale grâce à sa flexibilité.
Les deux autres pièces sont en interrelation avec le corps humain. Elles bougent lorsque celui qui les porte se met en mouvement. Le centre de la bague s’active lorsque la main du modèle se déplace dans l’espace. La dernière pièce, qui se porte au bras, est articulée au niveau du coude et maintenue par un système coulissant qui permet aux muscles de se contracter et de s’étirer. Lorsqu’elle est animée par le bras, deux volumes se déplacent sur les rails.
Mon triptyque met en valeur la capacité du corps à se mouvoir et ses mouvements embellissent en retour les trois pièces qui le composent en leur permettant d’exister dans leur forme complète, leur forme cinétique.